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Pour les lanmeuriens, il n'est pas évident de faire le lien entre Lanmeur et le Jack Kérouac des plaques commémoratives du rond-point de Kervoac , l'écrivain que Lanmeur a déjà célébré par deux fois à l'initiative de Valérie Derrien en lui consacrant un festival .

 

En 1998, quand Clément Kirouac du Québec n'en était qu' au début de son enquête et ne faisait que supposer le lien avec les 3 hameaux (Kervoac creiz, kervoac izella, Kervoac Uhella), il cherchait encore avec les 5000 Kirouac du Canada , un nommé Maurice-Louis Le Bris de Kervoac qui aurait hérité ou acheté à la famille Le Bihan de Lanmeur sa particule et le nom de Kervoac.

C'est Patricia Dagier généalogiste de Quimper qui retrouvera toutes les traces, remontera la piste et révèlera l'incroyable histoire.

Un ancêtre « capable de tout »

En 1727 , un certain Urbain François Le Bihan de Kervoac quitte Huelgoat pour le Canada.
Son arrière-arrière-grand-père était Henri Le Bihan notaire à Lanmeur , son arrièregrand- père Auffroy(1618-1662) a fait un riche mariage à Morlaix et prospéré dans le commerce des toiles et son grand-père Laurens notaire, est venu s'établir à Huelgoat en se faisant appeler Le Bihan Sieur de Kervoac (bien que Kervoac n'ait jamais été une seigneurie).
Son père François Joachim notaire à Huelgoat,marié à Catherine Bizien signe Kervoac Le Bihan ou Le Sieur le Bihan de Kervoac.
Et comme les frères d'Urbain François, notaires eux aussi ont déposé leur nom pour l'authentification des signatures avec d'autres particules , c'est à lui que revient le nom de Le Bihan de Kervoac.

 

Mais sa conduite scandaleuse en 1720 va le mener à l'exil pour échapper à la justice au lieu de devenir notaire dans la bonne tradition familiale.
Les débordements divers d'Urbain François, les accusations portées contre lui de friponnerie, de vol , de brigandage et même de tentative de viol ont si gravement compromis l'honneur de la famille que son père le met sur un navire pour la Nouvelle France en espérant ainsi le faire un peu oublier en Bretagne où de toute façon il n'a plus aucune possibilité de réussite ni de vie honorable.
Il ne reverra ni sa famille ni la Bretagne.

 

Durant toute sa vie au Canada , on peut le suivre à la trace par ses signatures grâce à l'extraordinaire enquête de Patricia Dagier qu'elle relate dans « Jack Kerouac Breton d'Amérique » ; il n'aura en effet de cesse de dissimuler sa véritable identité avec une «maestria» admirable.
Au début, Urbain François signe Hyacinthe Louis Alexandre De K/voach Le Bihan ou Alexandre Le Bihan mais ensuite, commerçant en fourrures, il se présente comme Allexandre (sic) Le Breton ou seulement Alexandre. Quand lui naît un fils, Simon-Alexandre Bernier en 1732, l'acte de baptême indique qu'il est le fils d'un certain Alexandre voyageur et de Louise Bernier qui vont se marier 8 mois plus tard.
Le marié prétend alors s'appeler Maurice Louis Le Bris de Kervoach et se déclare le fils de François Hyacinthe Le Bris de Kervoach et de Dame Véronique -Magdeleine de Meseuillac (pure invention bien sûr ! mais que n'aurait-il pas inventé pour échapper à la justice aussi bien au Canada pour usurpation d'identité au détriment d'une famille noble qu'en France pour tous ses délits ?).

Qui pourra s'y retrouver quand il signe en 1733 tantôt Louis De K/voach tantôt Maurice-Louis Le Bris K/voach dit Alexandre pour toucher de l'argent de son beaupère? Il réduit bientôt son nom à Alexandre De Kervoac sauf à la naissance de son 2ème fils Jacques qui est dit « Fils du sieur Louis Le Brice de Karouac ». Il va rendre service à la justice et se faire une honorable réputation en aidant à l'arrestation d' un malfrat, sous le nom d'Alexandre le Breton et poursuit son ascension sociale ; il a un 3ème enfant, Alexandre présenté comme fils de « Monsieur Louis le Brice de Karouac » mais il signe sur l'acte :Alexandre de K/voach !! En 1737 quand notre Urbain François meurt à Kamouraska, son acte de décès porte « Alexandre Keloaque, breton de nation, agé d'environ trente ans et faisant fonction de commerçant ».

Couvert de dettes, il laisse sa femme « veuve de Louis Maurice de Karouac »sans ressources avec trois jeunes enfants qui engendreront de nombreux descendants . Parmi eux, Jean-Baptiste Kerouac , canadien français émigré aux USA, dont le fils Léo Kerouac établi à Lowell (Massachusetts ) se marie en 1915 à Gabrielle Lévêque, les parents de Jack Kérouac à qui son père répétait « Ti jean, souviens-toi que tu es breton ».

 

Toute cette histoire n'aurait pu être élucidée sans les trois années de recherches intensives, la ténacité et le talent et de Patricia Dagier.

Pour retrouver toutes les péripéties de cette passionnante aventure avec en parallèle , la vie de Jack Kérouac à travers sa recherche obstinée de ses origines , il faut absolument lire

  • Jack Kérouac, breton d'Amérique de Patricia Dagier et Hervé Quéméner aux Editions du Télégramme paru en 2009et disponible à la bibliothèque de Lanmeur.
  • « Satori à Paris » de Jack Kérouac paru en 1966 où il raconte son voyage en France à la recherche de ses origines bretonnes.(en poche chez Gallimard).

Sylvie Duplant section patrimoine de l'Ulamir

Festival Jack Kerouac "il se disait breton"